" Continuer à investir pour nous adapter au marché "
La famille Costil, dont Éliot et Arthur représentent la sixième génération d'horticulteurs, vient de créer une nouvelle unité de production. Installée à Hérouville-Saint-Clair, aux portes de Caen (14), elle a délocalisé une partie de son exploitation à environ 10 kilomètres où elle a pu obtenir de la surface.
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La vingtaine à peine dépassée, Arthur et Éliot Costil représentent la sixième génération d'une entreprise horticole créée en 1878. Leurs parents, Laurence et Gilles, sont encore à la tête de la société pour plusieurs années. Mais comme souvent, leur établissement a été construit pas à pas près d'une ville, en l'occurrence Caen (14). Il y a 25 ans, il s'est installé à Hérouville-Saint-Clair, commune limitrophe de la préfecture du Calvados, sur des terres agricoles. Mais l'urbanisation aidant, il est difficile aujourd'hui de continuer à assurer son développement dans une zone enclavée par les immeubles. « Nous n'avons plus un mètre carré disponible à Hérouville-Saint-Clair, explique Arthur Costil. Sur les 11 000 m2 dont nous disposons, 7 000 sont couverts de serres et la surface est entièrement occupée. L'établissement commence à vieillir, il est peu mécanisé, mais nous voulons continuer à investir pour nous adapter aux nouvelles contraintes du marché. »
Comment poursuivre cet objectif dans ces conditions ? L'an dernier, la décision a été prise de créer une nouvelle unité de production un peu plus loin du milieu urbain, à Grentheville (14), mais tout près du périphérique, de l'autoroute A13 qui file vers Paris ou de l'A84, qui elle, se dirige vers Rennes (35). Le gain de ce déménagement ne se situe pas seulement au niveau de la surface disponible. La logistique y sera également bénéficiaire.
Partir d'une feuille blanche et penser le projet de A à Z. C'est la Safer qui a permis à la famille Costil de trouver son nouveau site de production de 6,7 ha ou, à terme, l'intégralité des cultures de l'entreprise devrait être transférée. « Nous leur avons présenté notre projet et le fait que ce soient deux jeunes qui en soient à l'initiative leur a plu. Nous avons été choisis parmi 35 dossiers, explique Arthur Costil. La Safer ne voulait pas voir se développer de grandes cultures, mais un projet vert. Cela a aussi compté. »
Au milieu de ce qui n'était jusque-là qu'un champ de blé, la première serre de la nouvelle unité de production a vu le jour l'été dernier. Il s'agit d'une double-paroi gonflable Richel de 12,8 m qui couvre 3 800 m2 : 3 200 m2 sont réservés aux cultures, 600 m2 à un hall de préparation de commandes et d'expéditions. Au sol, une couche de drainage a été recouverte d'un fond de forme puis d'un géotextile Bidim® sur lequel reposent 10 cm de tout-venant et enfin une toile de culture. L'irrigation est assurée par deux chariots d'arrosage et un goutte-à-goutte. « La subirrigation était trop chère et pas en rapport avec les cultures que nous voulions faire », précise Arthur Costil. Les eaux de toiture sont récupérées dans une cuve de 816 m3 qui doit permettre à l'établissement d'être autonome en eau à 80 %, le complément étant assuré par l'eau du réseau (alors que l'ancien établissement est entièrement irrigué à l'eau du réseau). Aucun système de chauffage n'a été prévu : l'objectif est de cultiver à froid des vivaces précoces, entre autres. Les grandes infrastructures, le système de pompage, par exemple, a été surdimensionné pour un agrandissement futur. Et la géométrie de la parcelle, tout comme les grandes allées qui ont été prévues, permettent d'envisager une mécanisation des cultures optimale.
Tester régulièrement de nouveaux produits pour une clientèle fidèle. En 2016, comme tout le monde, l'entreprise a réalisé un printemps en dents de scie : un mois d'avril très difficile, un mois de mai très bon... Mais surtout, les mois d'été ont été excellents, grâce à une gamme de plantes fleuries. Des signaux qui donnent de l'espoir aux jeunes dirigeants : ils testent régulièrement de nouveaux produits à proposer à leurs clients. Leur dernier axe de développement a porté sur des vivaces : « Ces plantes nous ont permis de finir l'année en positif. » Ces vivaces viennent compléter les principales cultures de l'entreprise : rosiers, chrysanthèmes, plantes en pots fleuries, etc. « Les clients veulent du fleuri, poursuit Arthur Costil, et la demande évolue sur tout ce qui tourne autour du végétal : des chromos, des pots de couleur, des solutions pour mieux mettre les végétaux en avant sur le point de vente... Il faut toujours être à l'écoute, réactifs, et proposer du service. Nous servons la plupart de nos clients depuis des années, l'idée est de travailler la main dans la main. » Ainsi, les clients sont livrés tous les jours si besoin en saison, grâce à deux camions en propre. Ce sont des jardineries et des distributeurs non spécialisés pour 80 %, parmi lesquels de nombreuses jardineries indépendantes, des grossistes pour 10 %, et des fleuristes pour 10 %. Près de 80 % de la clientèle se situe en Normandie, le reste à l'ouest d'un axe Amiens (80) - Bordeaux (33). Il est pratique, depuis Caen, d'assurer des livraisons à Bordeaux : de nombreux camions partent vers cette direction, surtout pour rejoindre l'Espagne, et les volumes de fret sont faciles à trouver. « C'est plus simple pour nous de livrer à Bordeaux qu'à Cherbourg (50) ! », poursuit le jeune chef d'entreprise en souriant, alors que la préfecture de la Gironde se situe à plus de 600 km et celle de la Manche à moins de 150...
Sans aides, notre secteur n'investit plus suffisamment. En tout, l'entreprise a réalisé un investissement de 650 000 euros, dont 150 000 pour le seul terrain. Le tout sans aucune aide. Les producteurs n'ont reçu aucune subvention de la part de FranceAgriMer. Un dossier a bien évidemment été monté avec la responsable de la filière à la chambre régionale d'agriculture de Normandie, Françoise Philippe. « Nous espérions 90 000 à 100 000 euros d'aide, mais nous avons appris le jour du premier coup de pelle sur le terrain, le 29 février 2016, que nous n'aurions rien. Et à ce jour, nous n'avons toujours aucune justification à ce refus », lâchent, amers, les deux frères. Une preuve de plus du retrait manifeste de l'État à l'égard des productions horticoles : les dossiers d'investissement aidés au niveau national sont devenus rares et la filière est entrée dans un état de sous-investissement criant...
Pascal Fayolle
L'an dernier, la décision a été prise de disposer d'une nouvelle surface de culture un peu plus éloignée du milieu urbain que le siège initial de l'entreprise. PHOTO : ETS COSTIL
La nouvelle unité de production a vu le jour l'été dernier. Il s'agit d'une double-paroi gonflable Richel de 12,8 m qui couvre 3 800 m2. PHOTO : P. FAYOLLE
Les eaux de toiture sont récupérées dans une cuve de 816 m3 qui doit permettre à l'établissement d'être autonome en eau à 80 %. PHOTO : P. FAYOLLE
Environ 600 m2 de la nouvelle serre sont dédiés au hall de préparation de commandes et d'expéditions. PHOTO : P. FAYOLLE
« Les clients veulent du fleuri, la demande évolue sur tout ce qui tourne autour du végétal : des chromos, des pots de couleur. » PHOTO : ETS COSTIL
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